Je me demande ces derniers jours si le port du masque nous permet d’extérioriser les différentes visages de nous même afin d’aller à la rencontre de notre authentique visage ou bien si, dans la période mouvante, le masque physique (papier, tissu) est une protection supplémentaire nécessaire pour surfer sur la vague.
Avec un peu de recul, les scènes de rue ont pris ces derniers mois une teneur nouvelle. Méfiance, attention particulière pour préserver son espace vital, nettoyage régulier des zones en contact avec le monde (le monde est sale ?), uniforme de rue qui renforce l’anonymat et gomme la singularité de chacun. En parallèle, des envies de différenciation se dessinent, les choix individuels refont surface au delà des ados résolument frondeurs et avides de liberté, des joggeurs et des enfants épargnés par la mesure de protection imposée.
Comment vivez vous derrière le masque ?
Malgré le manque d’air, l’élastique qui tire derrière les oreilles, le textile qui gratouille les narines et glisse à tout bout de champs, comment vous sentez vous vraiment ?
Cela me fait penser aux différents masques que l’on porte. Les rôles que nous jouons dans nos situations de vie : mère, père, fille, mari, femme, homme, travailleuse, travailleur, amie, ami, sœur, frère, petite fille, petit fils, etc. Ces rôles nous façonnent et impacte nos actions, nos paroles, nos regards. Où se situe le non-rôle de « moi-même » au milieu de toutes ces facettes ?
Et en quoi le masque change-t-il quelque chose ?
Vous permettez-vous de nouveaux comportements ? Osez vous davantage ou bien vous sentez vous emmaillotés ? Autorisez-vous à faire des grimaces, des sourires, des expressions refoulées habituellement ?
Heureux sont les timides, les personnes qui n’aiment pas exposer leur visage. Est ce que cela leur offre plus de liberté, de sécurité, de confiance ?
Je m'amuse à découvrir l’autre à travers le regard et à être surprise de constater que le masque qui tombe révèle un tout autre visage, avec des traits plus ou moins accentués faisant surgir une nouvelle palette d’expressions. Cela m’interroge sur la pertinence du jugement que chacun porte fatalement dans l’observation de l’autre.
Mais qui est-on vraiment ?
C’est la question d’une vie, celle de la quête, du chemin qui permet d’ôter progressivement les différentes couches qui nous constituent: éducation, croyances, protections contre les traumas, peurs, représentations, conventions sociales…
Je trouve que cette vision d’ensemble permettant de voir simultanément des milliers d’humains se mouvoir avec leur masque, dans un semi-anonymat nous invite à réfléchir sur notre identité profonde et la façon dont nous souhaitons l’exposer au monde.
Est ce que cette identité évolue, au niveau de l’âme, j’entends ?
Dans quelles situations vous sentez vous vraiment vous même, sans port de masques, dans un juste alignement entre votre corps, cœur et tête ? Cet état est-il furtif ou bien s’installe t’il progressivement dans votre façon de vivre et dans vos relations ?
Pourrait-on faire autrement ?
Je suis frappée de voir comment dans les stages et cercles de développement personnel ou des dizaines de personnes se retrouvent parfois quelques jours autour d’une problématique commune, les masques tombent très vite. Dès que le cadre de sécurité, de respect et de bienveillance est posé, l’authenticité des uns appelle l’ouverture des autres, les visages se défigent, la lumière s’installe dans les regards, l’amour fuse, le lien est profond et sans attente, sans jugement. Une impression de parenthèse magique remplit les cœurs et les esprits, chacun prend une dernière inspiration de cet air réconfortant avant de repartir dans la bataille de la réalité.
Et si nous changions cette réalité de stress, de vitesse, de conquête ?
Comment peut-on être autrement pour que ce qui agit au niveau du microcosme se répande également à large échelle dans nos sociétés ?
Nous sommes capables de choix. Cela pourrait passer par la transformation et l’affirmation des postures individuelles, tel le colibri qui crache au dessus de l’incendie pour sauver la forêt.
Alors quel petit pas êtes vous prêt à faire pour oser tomber les masques et marcher au plus près de vous-même et des autres ?
Charlotte Desbons
Kinésiologue
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